Le groupe de presse Prisma Media, propriétaire de titres populaires comme "Voici", "Télé-Loisirs", "Capital" ou encore "Cuisine Actuelle", passe à la vitesse supérieure en matière d’intelligence artificielle. Après les contenus générés automatiquement, la prochaine étape est en cours d’expérimentation : le clonage numérique d’une journaliste pour produire des vidéos… sans qu’elle ait besoin de les tourner.
Une centaine d’initiatives IA déjà en marche chez Prisma Media
Dans un article publié le 14 avril 2025 par Les Échos, on apprend que Prisma Media – filiale du groupe Vivendi, détenu par Vincent Bolloré – a adopté une stratégie IA ambitieuse depuis 2021, bien avant l’explosion de ChatGPT. Depuis, les projets se sont multipliés à travers les différentes rédactions.
« On a au moins une centaine d'initiatives à l'échelle du groupe. On essaye d'être au plus près des besoins de chaque métier », déclare Pascale Socquet, directrice générale de Prisma Media.
Parmi ces usages :
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"Voici" génère environ 20% de ses articles à partir de dépêches de presse via l’IA.
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"Cuisine AZ" s’en sert pour créer de nouvelles recettes culinaires.
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Et désormais, "Capital" teste le clonage d’un avatar numérique de journaliste, capable de présenter des vidéos automatiquement, à partir de textes écrits par la rédaction.
Les premières vidéos de ce type pourraient être publiées dès l’été 2025.
Une technologie au service des journalistes… ou une menace pour l’emploi ?
La direction insiste sur l’idée que l’intelligence artificielle ne remplace pas les journalistes, mais les complète. Pascale Socquet souligne que les profils expérimentés tirent mieux parti de l’IA :
« L’IA est performante quand le journaliste est expérimenté. Il saura évaluer la qualité des sources, vérifier les faits, comprendre les limites de ces outils. »
Le projet de clonage vocal et visuel d’une journaliste de "Capital" permettrait ainsi de produire des contenus plus rapidement, tout en dégageant du temps de travail humain pour des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Prisma Media utilise déjà des voix clonées pour diffuser des flashs audio, basés sur des contenus écrits par des journalistes. L’idée est de déployer un écosystème complet de production automatisée autour de l’image et de la voix.
Formation massive des équipes à l’IA générative
Prisma Media entend former massivement ses collaborateurs aux outils d’IA générative. Selon Les Échos, 80% des salariés auront reçu une formation dédiée d’ici la fin de l’année 2025, et près d’un tiers du budget de formation est désormais consacré à ce domaine.
« Nous déroulons notre stratégie : Former, Encadrer, Tester », résume Pascale Socquet sur son compte LinkedIn.
Elle insiste sur le fait que l’IA ne doit pas être utilisée pour elle-même, mais comme réponse à des besoins concretsdans les métiers du journalisme, de la rédaction au montage vidéo.
Des inquiétudes syndicales sur l’avenir de l’emploi
Cette transformation accélérée soulève toutefois des inquiétudes en interne, notamment sur les potentielles conséquences sociales. Le délégué syndical Emmanuel Vire (SNJ-CGT) a exprimé des réserves :
« Il y a une vraie crainte sur l’avenir des emplois dans certaines rédactions. »
Un sentiment partagé par d’autres acteurs du secteur qui s’interrogent sur la place de l’humain dans le journalisme de demain, alors que les frontières entre contenu authentique et production automatisée deviennent de plus en plus floues.
Une mutation irréversible du journalisme ?
Le groupe Prisma Media semble convaincu que l’IA représente une opportunité, plus qu’un risque, et entend intégrer durablement ces outils dans son fonctionnement éditorial.
Entre efficacité opérationnelle, gain de temps et réflexion éthique, cette transformation s’inscrit dans un débat plus large sur l’évolution du métier de journaliste à l’ère numérique. L’expérimentation du clonage numérique en est peut-être la plus spectaculaire, mais ce n’est sans doute que le début d’une ère nouvelle, où humains et machines coécrivent l’information.