Disponible sur Netflix depuis mars 2025, le documentaire "De rockstar à tueur : le cas Cantat" soulève de nouveau la question du féminicide et du traitement médiatique réservé à Bertrand Cantat, ex-leader du groupe Noir Désir, condamné pour la mort de Marie Trintignant en 2003. Si ce projet documentaire bouleverse de nombreux spectateurs, il interpelle aussi par une absence remarquée : aucun membre de Noir Désir n’y témoigne. Une décision volontaire et justifiée, comme l’a expliqué le batteur Denis Barthe.
Un documentaire Netflix qui ravive un drame national
La série documentaire en trois épisodes retrace les faits survenus à Vilnius en 2003, où Marie Trintignant, actrice française et compagne de Bertrand Cantat, a succombé à des coups portés par le chanteur. Plus de 20 ans après le drame, le documentaire interroge le traitement médiatique de l’époque, souvent qualifié de complaisant voire d’indulgent envers l’artiste, alors au sommet de sa carrière musicale.
La série donne la parole à plusieurs témoins, journalistes, spécialistes du droit, activistes féministes, et proches de la victime, afin d’analyser en profondeur les failles systémiques qui ont permis à Cantat de reprendre une carrière artistique après sa sortie de prison.
Une absence qui questionne : pourquoi Noir Désir ne parle pas
Si Bertrand Cantat reste au centre du récit, ses anciens camarades du groupe Noir Désir, dont il était le leader, n’apparaissent pas. Pourtant, comme l’a révélé Denis Barthe, batteur du groupe, ils ont bien été contactés par l’agence Capa, productrice de la série. Dans un article publié par Le Parisien, Barthe explique :
« On n’était pas demandeurs mais pas réfractaires non plus à cette idée. Nous avons rencontré Capa et avons dit que nous étions prêts à participer, avec le staff de l’époque, sans rien omettre de notre histoire, comment on a vécu Vilnius, la séparation, où nous en sommes aujourd’hui, mais avec un droit de regard… »
Mais le groupe refuse finalement d’apparaître, après avoir découvert l’angle éditorial choisi :
« Seulement, ils voulaient faire un doc sociétal avec deux tiers de fait divers et un tiers de musique. À charge. Alors on leur a dit non. Et personne autour de nous ne leur parlera. C’est une famille, Noir Dés. »
Une omerta dénoncée par la coréalisatrice du documentaire
Dans une interview au magazine Elle, la journaliste Anne-Sophie Jahn, coréalisatrice du documentaire, parle d’une véritable omerta autour de Bertrand Cantat, notamment dans sa ville natale :
« À Bordeaux, le chanteur a toujours un statut d'icône intouchable. Son entourage artistique, sa famille forment un clan qui fait front. »
Elle cite également le témoignage de Pascal Nègre, ex-président d’Universal Music France, qui parle encore d’accident et se refuse à commenter la vie privée de Cantat. Ces silences médiatiques illustrent, selon la réalisatrice, les résistances persistantes autour de la figure de l’artiste déchu.
Le cri de colère de Lio : "Des grosses m*rdes"
La chanteuse Lio s’est exprimée avec force dans le documentaire, suscitant de nombreuses réactions. Elle y dénonce le traitement médiatique de l’affaire à l’époque, mais aussi l’attitude des membres de Noir Désir :
« Le seul discours des médias est que c'est un crime passionnel et qu'elle le mérite un peu. À l'époque, je suis indignée par ce type de traitement et du coup j'ai parlé pour défendre Marie. »
Elle accuse même les musiciens du groupe d’avoir menti pour protéger Cantat et la survie du groupe :
« Ses musiciens qui l'ont entouré, qui ont menti pour sauver Cantat et sauver le groupe, et tout ce que ça signifiait derrière, en entraînant Kristina au mensonge, c'est des grosses m*rdes. »
Un documentaire à la fois nécessaire et dérangeant
Entre silence des anciens membres de Noir Désir, colère de certains témoins et refus de nombreux artistes de se positionner, le documentaire "De rockstar à tueur" agit comme un miroir brutal sur la société française et sa façon d’appréhender le féminicide médiatisé.
Alors que le débat sur la séparation de l’homme et de l’artiste est relancé, cette série documentaire pousse à une introspection collective sur les responsabilités, les silences et les complaisances.
La musique face à la justice et à la mémoire
En refusant de participer, les membres de Noir Désir ont peut-être voulu préserver une forme d’intimité ou éviter la polarisation d’un débat sensible. Mais leur silence soulève aussi des questions sur le rôle de ceux qui entourent les figures publiques. Le documentaire, lui, rappelle que derrière l’artiste adulé, il y avait une victime : Marie Trintignant, morte sous les coups, dont la mémoire continue de porter le combat contre les violences faites aux femmes.